MAIS QUI EST DONC DJ ZUKRY ?

MAIS QUI ES-TU, DJ ZUKRY ?

Dj Zukry ne s’est pas toujours fait appeler de la sorte, cela, vous vous en doutiez (vous êtes malins, hein ? On ne vous la fait pas à vous !). A sa naissance, le 17 juin 1976, Gabriel et Nelly – ses deux géniteurs – l’inscrivirent à la Préfecture de Laval, département de la Mayenne, sous le délicieux prénom d’Anthony en hommage à Anthony Quinn, Anthony Burgess, Anthony Hopkins, Anthony Perkins et Anthony Delon (merde).

Rien de remarquable dans l’enfance de Dj Zukry : c’était un enfant doux, tendre comme le bon pain que sert le boulanger à l’aurore, pétillant comme une coupe de Champagne échangée à deux devant un clair de lune, bref, un petit con, un sale chiard, un jean-foutre.

Etudes brillantes (bac plus trois), parcours militaire exemplaire (deuxième classe pendant dix mois), entrée en fanfare en mille neuf cent quatre vingt dix neuf dans le monde de l’entreprise en tant que conseiller clientèle (car Dj Zukry adore conseiller, et adore les gens en général, et les clients en particulier). Beaucoup de chiffres dans la sémillante biographie de Dj Zukry.

La presse régionale a souvent affirmé que Dj Zukry salit tout ce qu’il touche. Il crotte la littérature dans des fanzines pouilleux, il cochonne la grande et belle musique, il salope les ondes radiophoniques, il prostitue l’intelligence française, il bave sur l’Homme… La presse régionale a souvent affirmé que Dj Zukry est une belle crevure.

Si Dj Zukry écrit sa biographie à la troisième personne c’est parce qu’il sait que personne ne le fera à sa place. Il en sait des choses, Dj Zukry…

Procrastination active

PROCRASTINATION ACTIVE

Juillet 2011 : Mise en son du "court-métrage" d'AnA kAnine ("Mobilier Urbain").

Mobilier Urbain from ana kanine on Vimeo.

Mais que fait Dj Zukry ?

L'industrie du disque m'ayant tourné le dos, j'ai écrit quelques idioties dans Tranzistor, sous le pseudonyme de André A., puis dans le fanzine Zapoï, puis j'ai attendu.

J'ai également remixé un titre de radouL branK mais le titre m'échappe.

La Palindrome Touch : livret intérieur

INCIPIT NOMBRILISTE

Au Palindrome se succèdent les saisons en une tendre et cotonneuse agonie. Chacun souhaite un sursaut mais la morphine n'y suffit pas. Le Palindrome : terre de tous les contrastes, riante cité aux visages cachés... Le Palindrome : juste quelques phrases à disposition de l'Office du tourisme.

L'hiver, des enfants tristes se consolent en se jetant à la figure des boules de neige. Bonnets, moufles, écharpes. Sous les mains gantées des gosses naissent des bonshommes farfelus. Carottes en guise de nez, bonnets péruviens au sommet du crâne, une vieille gabardine de pépé : papa prend une photo, clic clac l'affaire est dans le sacre. A ta majorité, tu brûleras ses photos. La nostalgie ? « Ce n'est rien de plus qu'un nom de station de radio » (Raphaël Juldé). Luges improvisées, descente de la rue des déportés avec des sacs poubelles en guise de skis : le Palindrome, pendant quelques semaines, avant que la boue ne macule la neige, se transforme en Chamonix.

Certains hivers il ne neige pas mais notre station reste ouverte. Cette absence de flocons sur nos trottoirs et nos toits plonge alors ma boulangère dans un désarroi si profond que même le succès de ses nouveaux pains 100% bio ne parvient pas à faire naître sur son visage froissé ce qui ressemblerait à un sourire. La boulangère a des soucis. La boulangère ne compte plus la monnaie. La boulangère n'a plus confiance en l'Homme. La boulangère devient boulimique. La boulangère n'a pas pris de vacances depuis 2 ans. « Et avec ça, ce sera tout ? ».

Aux approches de Noël le Palindrome s'agite, frénétique, tendu vers un seul et même dessein : faire de cette période le point culminant de la saison commerciale. Le commerçant jubile, se pourlèche les babines et rêve la nuit de grands espaces. Attirer le badaud, piéger le ballot. Plaisir d'offrir, joie de recevoir. Le client signe des chèques, s'extasie devant la capacité de sa carte Cofinoga et s'achète du saumon de Norvège : lui aussi rêve de grands espaces...

L'été au Palindrome a ses avantages, outre le fait qu'une partie de sa population migre vers les plages et que tout paraît tourner au ralenti ; moi je vomis en plein air : c'est mon côté écolo, proche de la nature. Dans la rue de la paix je me colle aux vitrines. Je m'agenouille devant la boutique de Jeannine Pauporté. Jeannine : l'élégrance suprême, le raffinement à l'extrême, l'ourlet parfait : une certaine idée du luxe. Pauporté : résolument moderne puisque totalement dépassée par les modes. S'habiller chez Pauporté c'est l'assurance d'acheter des vêtements pour du très long terme, sans craindre d'être un jour ridicule.

Je me surprends à rêver face à ces mannequins aux bustes impeccables, aux ports de tête divins, aux poitrines identiques, aux hanches sublimes. Une vie entourée de clones doit être délicieuse ; et je me rappelle alors que cette vie est bien celle que je vis, ici et maintenant. Vêtus de manière identique, partageant des références si proches, fréquentant les mêmes endroits, les mêmes gens, riant aux mêmes traits d'esprit... nous semblons nous diriger vers le même point, vers le même infini, avec la même sensation d'être unique. Mon reflet dans la devanture m'effraie soudain : si j'étais mon clone, j'assassinerais le modèle. Si j'étais mon sosie, je porterais plainte. Si j'étais Paris, je finirais en bouteille.

D'un appartement l'autre je m'accoutre de ma redingote de fantaisiste bavard. Je palabre, monologue, me saoule de mes propres salmigondis et, brusquement, je ne m'écoute plus, je ne m'intéresse plus à ce que je dis. J'aimerais tant qu'on m'interrompe, qu'on me condamne au silence à perpétuité, qu'on me bâillonne... Avant que les gens ne me fatiguent, que leur sérieux ne parvienne plus à cacher leur vacuité intellectuelle, et que ma Smirnoff Ice ne soit complètement vidée ; je me retire du bar des artistes, dernier bastion du rock'n'punk.

Je baguenaude dans les rues désertiques du Palindrome, mon verre à la main, juste un fond d'alcool pour la mise en bouche. Je me cherche une raison de finir l'année. Je maudis en silence les années bissextiles, salopes... Si je n'étais pas si lâche, si désespéré et, au fond, si imbu de ma propre personne, je me balancerai par-dessus le vieux pont. Je m'arrête chez les turcs pour acheter une cannette de 8.6° ou de 9.3° : l'éthylique ne compte pas, il paie et boit. L'éthylique est un être binaire, c'est pour cela qu'il voit double.

Devant le distributeur de billets je me trouve du génie. Devant chez Martine je me trouve un petit air prétentieux. Je m'exaspère : on finit toujours par ressembler à l'image qu'on a de soi. Je glisse, non sans mal, une pièce de 2 euro dans le flipper. La musique part en trombe, des voix m'exhortent à la performance. Je redoute le moment où elles me diront « Game over ». En attendant, je remue du bassin, les jambes mal assurées, la vision trouble, le poignet cassé pour mieux atteindre la rampe gauche : mon score est honorable. Je lance la deuxième bille, et j'en vois deux débouler en tout sens, dans l'anarchie la plus complète, suivies d'une troisième, en traîtresse. Je ne me priverai pas de le signaler à Martine lorsqu'elle daignera venir me servir mon verre de Porto.

A mes côtés, quatre jeunes gars entament une partie de baby-foot qui s'annonce particulièrement agitée. De séduisantes jeunes filles les regardent, avec une indifférence feinte à la perfection. Ça semble chouette les sports d'équipe : cette émulation saine, cet esprit de compétition qui encourage au dépassement de soi, cette amitié virile dans le respect de l'autre... oui, peut-être, mais jouer tout seul c'est déjà un de trop (...).